mercredi 26 avril 2017

Amies, Les Fêtes Galantes, La Bonne Chanson, Paul Verlaine - Critique littéraire

Paul Verlaine

  • Amies
  • Les Fêtes Galantes
  • La Bonne Chanson



Poème introductif 

La Bonne ChansonXII


Va, chanson, à tire-d’aile
Au devant d’elle, et dis-lui
Bien que dans mon cœur fidèle
Un rayon joyeux a lui,

                    Dissipant, lumière sainte,
                    Ces ténèbres de l’amour :
                    Méfiance, doute, crainte
Et que voici le grand jour !

Longtemps craintive et muette,
Entendez-vous ? la gaîté
Comme une vive alouette
Dans le ciel clair a chanté.

Va donc, chanson ingénue,
Et que, sans nul regret vain,
Elle soit la bienvenue
Celle qui revint enfin.



Paul Verlaine, le poète


Paul Verlaine, monstre de la poésie française, est né en 1844 et est mort à l’âge de 52 ans. Fortement influencé par Baudelaire et par le mouvement du Parnasse, ses poèmes parlent tout d’abord des malheurs de sa jeunesse ; il écrit les Poèmes Saturniens (1866) à 22 ans, et se désigne ainsi comme étant un poète maudit. Peu de temps après, il écrit les Amies (1867), recueil révélant son penchant pour l’amour entre personnes du même sexe. Sa rencontre avec Mathilde Mauté en 1869 va le bouleverser, à tel point qu’ils seront mariés un an plus tard. Cet amour permettra aussi la naissance de deux recueils, Les Fêtes Galantes en 1869 et La Bonne Chanson, poèmes dédiés à Mathilde, en 1870.
Cependant, sa rencontre avec Rimbaud à Paris cette année-là va tout changer. Fous d’amour l’un pour l’autre, ils s’enfuiront à Bruxelles avant qu’un drame ne les sépare : Verlaine tire deux coups de feu sur son amant en juillet 1873 sous le coup de la colère, mettant fin à leur relation.
Suite à cela, le poète ira deux ans en prison. L’influence de Rimbaud se ressentira dans Romance sans parole (1874), et sa conversion soudaine à la religion se verra dans Sagesse (1881), où il intègre aussi quelques poèmes réalisés en prison et faisant en quelque sorte un bilan de sa vie.
Après deux derniers recueils de poésie, Jadis et naguère et Parallèlement en 1884, il écrit un ouvrage d’hommage et de critique, les Poètes maudits, en 1888, et revient ainsi sur l’évolution poétique des Parnassiens, de Baudelaire à Mallarmé.
Verlaine, malgré sa célébrité auprès de ses pairs qui le surnomment Prince des poètes, s’éteint misérablement en 1896 d’une congestion pulmonaire.




L’amour homosexuel 

Les AmiesSur le balcon


Toutes deux regardaient s’enfuir les hirondelles ;
L’une pâle aux cheveux de jais, et l’autre blonde
Et rose, et leurs peignoirs légers de vieille blonde
Vaguement serpentaient, nuages, autour d’elles.

Et toutes deux, avec des langueurs d’asphodèles,
Tandis qu’au ciel montait la lune molle et ronde,
Savouraient à longs traits l’émotion profonde
Du soir, et le bonheur triste des cœurs fidèles.

Telles, leurs bras pressant, moites, leurs tailles souples,
Couple étrange qui prend pitié des autres couples,
Telles sur le balcon rêvaient les jeunes femmes.

Derrière elles, au fond du retrait riche et sombre,
Emphatique comme un trône de mélodrame,
Et plein d’odeurs, le lit défait s’ouvrait dans l’ombre.


          Sonnet d’alexandrins du registre lyrique, ce poème parle d’amour entre deux femmes. Très érotique et donc peu apprécié à l’époque, il a été écrit par Verlaine peu avant sa rencontre avec Mathilde, et illustre parfaitement son penchant homosexuel qui se révèlera plus tard dans sa relation avec Rimbaud par la relation charnelle entre ces deux femmes.


La Femme    

Les Fêtes GalantesCortège


Un singe en veste de brocart
Trotte et gambade devant elle
Qui froisse un mouchoir de dentelle
Dans sa main gantée avec art,

Tandis qu’un négrillon tout rouge
Maintient à tour de bras les pans
De sa lourde robe en suspens,
Attentif à tout pli qui bouge ;

Le singe ne perd pas des yeux
La gorge blanche de la dame,
Opulent trésor que réclame
Le torse nu de l’un des dieux ;

Le négrillon parfois soulève
Plus haut qu’il ne faut, l’aigrefin,
Son fardeau somptueux, afin
De voir ce dont la nuit il rêve ;

Elle va par les escaliers,
Et ne paraît pas davantage
Sensible à l’insolent suffrage
De ses animaux familiers.


          Ce poème est composé de cinq quatrains aux vers à huit pieds et de rimes régulières. D’un thème plutôt classique, il révèle cependant un mauvais penchant des hommes par la métaphore des animaux utilisée pour désigner les valets. Ecrit par Verlaine entre les Poèmes Saturniens et sa rencontre avec Mathilde, au milieu des Amies, il parle d’une femme rêvée, montrant ainsi le trouble du poète par rapport à ses attirances physiques.


L’amour


Illustration du thème :
Je l’aime à mourir de Francis Cabrel

La Bonne ChansonXV


J’ai presque peur, en vérité,
Tant je sens ma vie enlacée
A la radieuse pensée
Qui m’a pris l’âme l’autre été,

Tant votre image, à jamais chère,
Habite en ce cœur tout à vous,
Mon cœur uniquement jaloux
De vous aimer et de vous plaire ;

Et je tremble, pardonnez-moi
D’aussi franchement vous le dire,
A penser qu’un mot, un sourire
De vous est désormais ma loin,

Et qu’il vous suffirait d’un geste,
D’une parole ou d’un clin d’œil,
Pour mettre tout mon être en deuil
De son illusion céleste.

Mais plutôt je ne veux vous voir,
L’avenir dût-il m’être sombre
Et fécond en peines sans nombre,
Qu’à travers un immense espoir,

Plongé dans ce bonheur suprême
De me dire encore et toujours,
En dépit des mornes retours,
Que je vous aime, que je t’aime !


          Ce poème, composé de six quatrains de rimes embrassées chacun, possède des vers de huit pieds exactement. Quinzième billet écrit pour Mathilde, il montre l’amour qu’éprouve Verlaine pour sa femme. Magnifique déclaration, le dernier vers se termine en effet par un passage au tutoiement sur le « que je t’aime ! », faisant ainsi entrer cette œuvre dans le grand thème de l’amour, et, plus précisément, dans un certain registre lyrique.



Impressions personnelles


          Le premier poème du recueil que j’ai sélectionné (Fêtes Galantes, La Bonne Chanson précédées des Amies de l’édition Le Livre de Poche, 2015), Sur le balcon, m’a quelque peu étonnée. En effet, j’avais déjà lu Mon rêve familier, Chanson d’Automne et, plus récemment, le sixième poème de la troisième partie du recueil Sagesse, sans compter quelques autres œuvres à mes heures perdues, et je savais que Verlaine avait eu une relation avec Rimbaud. Cependant, je ne connaissais pas encore ce poète perdu dans ses amours que j’ai découvert tout au long des Amies, mais aussi des deux autres recueils de ce livre. Passé ce premier temps de surprise, j’ai finalement trouvé agréable qu’un poète, au XIXème siècle déjà, fasse l’éloge de l’amour homosexuel, qui, encore aujourd’hui, est mal considéré.
          Tout au long de ces trois recueils, j’ai aussi pu découvrir un poète tourmenté, parfois incompréhensible –comme peut nous le prouver Sur l’herbe, poème que je ne comprends toujours pas-, mais aussi rêveur et amoureux, comme par exemple dans le premier poème de son recueil La Bonne Chanson.
          J’ai ainsi été tour à tour déboussolée, étonnée, enchantée et même émue, surtout dans le recueil dédié à Mathilde. Cette expérience fut belle, et je prends grand plaisir à relire certains poèmes du Prince des poètes.


Maindiaux
Clothilde

1L

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