dimanche 25 décembre 2016

Le Meilleur des Mondes, Aldous Huxley - Critique littéraire

Bonsoir, mesdames et messieurs. Installez-vous au coin du feu, dans un rocking-chair et plaid sur les genoux, ou alors à votre chaise de bureau. Ce soir, je vais vous conter Le Meilleur des Mondes.

- Présentation


Le roman d'Aldous Huxley a été écrit en 1931, au milieu de la montée des totalitarismes. Il raconte l'histoire de la société, des centaines d'années plus tard, dans un système social des plus poussé; mais aussi des plus cauchemardesque. En effet, la population, créée en laboratoires, est divisée en différentes castes: Alpha, Bêta, Gamma, Delta et Epsilon, toutes conditionnées de telles façons qu'elles sont destinées, notamment, à faire un travail particulier. Par exemple, les Alpha régissent le monde tandis que les Epsilon fabriquent encore et toujours un même objet sans jamais penser. L'auteur a ainsi voulu dénoncer le nazisme et autre régimes totalitaires dans son roman, parfaite dystopie futuriste. En effet, la présence de "Lenina" et de Bernard "Marx" désignent bien évidemment Lénine et Karl Marx, communistes de leur état; de plus, la critique de la création d'une race (le mot aryen est même employé) est aussi faite par le système des castes. 

Ainsi, l'action du Meilleur des Mondes se déroule en l'an 632 de N. F., soit une date inconnue du deuxième millénaire, comme le précise la page 31 de mon édition: "Vieux, jeune? Trente ans? Cinquante? cinquante-cinq? C'était difficile à dire. Et, au surplus, la question ne se posait pas ; dans cette année de stabilité, cette année 632 de N. F., il ne venait à l'idée de personne de la poser.". Le diminutif N. F. désigne quant à lui Notre Ford, qui aurait inventé une méthode pour créer un monde parfait. 

L'histoire commence donc en l'an 632 de N. F., à Londres, comme le souligne la page 29, première page du roman: "Un bâtiment gris et trapu de trente-quatre étages seulement. Au-dessus de l'entrée principale, les mots : CENTRE D'INCUBATION ET DE CONDITIONNEMENT DE LONDRES-CENTRAL, et, dans un écusson, la devise de l'Etat mondial : COMMUNAUTÉ, IDENTITÉ, STABILITÉ."

Les protagonistes sont nombreux; nous parlerons donc des principaux. Nous rencontrons donc le Directeur de l'Incubation et du Conditionnement, ou D. I. C., dès la page 30: "Au moment où le Directeur de l'Incubation et du Conditionnement entra dans la pièce, trois cents Fécondeurs, penchés sur leurs instruments, étaient plongés dans ce silence où l'on ose à peine respirer [...] par quoi se traduit la concentration la plus profonde."; puis, Lenina, 20 pages plus loin: "Une infirmière était en train de sonder délicatement [...]  le contenu d'un flacon gélatineux qui passait. [...] -Eh bien! Lenina, dit Mr Foster, lorsque enfin elle dégagea la seringue et se releva.". Nous faisons connaissance respectivement aux pages 74 et 75 à l'Administrateur Mondial Mustapha Menier: "Sur le bord du petit groupe se tenait un étranger - un homme de taille moyenne, aux cheveux noirs, au nez crochu, aux lèvres rouges et charnues, aux yeux très sombres et perçants. [...] -Monsieur l'Administrateur! Quel plaisir inattendu! Mes amis, à quoi pensez-vous donc? Voici l'Administrateur; voici sa Forderie Mustapha Menier.", et à Bernard Marx: "Dans l'ascenseur, montant aux vestiaires, Henry Foster et le Directeur Adjoint de la Prédestination tournèrent le dos avec assez d'intention à Bernard Marx, du Bureau de Psychologie : ils se détournèrent de cette réputation désagréable.". Enfin, aux pages 203 puis 208, John, le sauvage: "Le vêtement du jeune homme qui sortit à ce moment sur la terrasse était celui d'un Indien; mais ses cheveux tressés étaient couleur paille, ses yeux, bleu pâle, et sa peau était une peau blanche, bronzée. [...] -Oh! ma chérie, ma chérie! [...] John a dû vous raconter ça. Ce qu'il m'a fallu souffrir, et pas moyen de se procurer un gramme de soma!"
Ainsi, les personnages, tous bien ficelés, possèdent des caractères bien à eux: le D. I. C. est un Alpha avide de pouvoir et fier de sa fonction; Lenina est naïve et parfaitement conditionnée dans son état de Bêta;  l'Administrateur est sage et philosophe, bien que croyant définitivement aux méthodes de l'Etat mondial; Bernard Marx est un Alpha Plus complexé par sa taille -anormale pour sa caste- qui cherche à se montrer supérieur et intéressant grâce au sauvage; et ce dernier, John, est rêveur et réel, aime la vie et la nature, et veut changer la société civilisée qui l'a déçue.

Le récit s'affranchit totalement de la réalité: les enfants sont faits dans des centres scientifiques: "Toujours appuyé contre les couveuses, il leur servit [...] une brève description du procédé moderne de la fécondation [duquel] les Gammas, les Deltas et les Epsilons en étaient extraits" (pages 32-33), ainsi l'utilisation du vocabulaire de la famille est totalement prohibé: "-En un mot, résuma le Directeur, les parents étaient le père et la mère. -Cette ordure qui était en réalité de la science, tomba avec fracas dans le silence gêné de ces jeunes gens qui n'osaient plus se regarder." (pages 60-61). De plus, la sexualité est conseillée aux plus jeunes enfants: "-Voilà un petit groupe charmant, dit-il, tendant le doigt. [retour à la ligne] Dans un creux herbeux entre deux hautes masses de bruyères méditerranéennes, deux enfants, un petit garçon d'environ sept ans et une petite fille qui pouvait avoir un an de plus, s'amusaient, fort gravement et avec toute l'attention concentrée de savants plongés dans un travail de découverte, à un jeu sexuel rudimentaire. -Charmant, charmant! répéta sentimentalement le D. I. C." (page 70). Enfin, la prise de soma, drogue, est des plus conseillées pour rendre heureux la population des différentes castes: "-A présent -voilà le progrès- [...] il y a toujours le soma, le soma délicieux, un demi-gramme pour un répit d'une demi-journée, un gramme pour un week-end, deux grammes pour une excursion dans l'Orient somptueux, trois pour une sombre éternité sur la lune".

- Extrait significatif 

Les extraits qui me semblent les plus significatifs de ce roman sont bien évidemment dans les chapitres III et XII, plus précisément à partir des pages 75 et 310.
Pour écouter ces deux extraits, vous pouvez suivre ces deux liens:
En effet, le premier extrait balaye les plus beaux monuments, textes, états, pays, personnes que l'Homme a pu créer au cours du temps, pour y laisser place à ce système social catastrophique. Le deuxième extrait est, quant à lui, des plus choquants pour la jeune fille romantique que je suis. Roméo et Juliette est pour moi la plus grande preuve d'amour, le plus beau texte romantique; alors qu'une personne civilisée -même poétique, puisque qu'Helmholtzh connait la poésie- se moque autant de cette magnifique histoire, m'a paru choquant, et m'a fortement marquée.
J'ai, de plus, choisi quelques images pour illustrer ce roman:


Dessin de Schuiten et Peeters, trouvé sur le site suivant: http://www.arts-et-metiers.net/musee/machines-dessiner
Ces deux dessins représentent le système de création des personnes décrit par Huxley. Le premier, très descriptif, montre la façon dont sont créés les enfants. Le second, plus subtil, prouve que l'homme est un produit des rouages d'une machine, sans plus, et illustre parfaitement Le Meilleur des Mondes.

- Mon Avis
Pour moi, ce livre est un roman détestable. Il est horrible, parle d'horreurs qu'on ne voudra jamais vivre, nous donne envie d'arrêter de lire et de nous plonger dans une bonne comédie.
Cependant, il est prenant, et, bien que l'action soit plutôt lente, il fait parti des romans les plus intéressants que j'ai pu lire. J'ai dis ci-dessus qu'il était détestable; mais n'est-ce-pas le meilleur moyen de faire perdre l'envie aux lecteurs de vivre pareil expérience? Et c'est là tout le but du roman. Huxley ne nous dit pas quelle est pour lui la meilleure utopie, le meilleur des mondes; mais il nous décrit ce dont il a peur que la société devienne, ce qu'il ne veut pas qu'il arrive, au plus profond de lui-même. Il décrit et dénonce les régimes totalitaires, l'eugénisme -l'ensemble des pratiques visant à améliorer le patrimoine génétique humain- notamment dépeint dans le nazisme avec la race aryenne, ainsi que bien d'autres procédés tels que le fordisme ou la consommation de masse. Il a peur de l'avenir que réserve les dictatures de l'époque, et prévient ses lecteurs des dangers à venir. Il est contre la déshumanisation des Hommes, contre la prison dorée, contre la disparition des procédés naturels tels que l'accouchement ou la douleur.
En résumé, il nous décrit la plus terrible des dictatures: 
  
Ainsi, Le Meilleur des Mondes est à la fois l'un des romans les plus horribles mais aussi l'un des plus intéressants et intriguant que j'ai pu lire, de part son histoire, son monde, ses descriptions. Je vous conseille donc de le lire, non pas en tant que lecture loisir, mais plus en tant que lecture préventive, philosophique et décrivant la plus grande dystopie possible ou ayant jamais été créée.